Bienvenue à tous ceux qui aiment lire ...

Lire, pour moi, c'est échapper au quotidien tout en restant proche des hommes et de leurs réalités ...

mercredi 11 décembre 2024

Frapper l'épopée d'Alice Zeniter

Flammarion, 2024, 345 p., 22€

Alice Zeniter nous fait pénétrer dans la vie de Tass, professeur non titulaire de français, ayant rejoint son poste en Nouvelle Calédonie après une rupture amoureuse à Paris. 

Tass est métis, mi kanak mi française, elle ne connait pas grand-chose de l'histoire de sa famille, son père s'étant surtout occupé de faire découvrir à ses enfants (Tass et son frère Jugurtha) la magnifique nature du Caillou. Dans une de ses classes du lycée, elle remarque des jumeaux, Célestin et Pénélope, très réservés, très observateurs et qui semblent beaucoup réfléchir au statut des kanaks.

Le jour où tous les deux disparaissent, elle s'inquiète ... 

L'auteure mêle habilement portrait psychologique, interrogation de l'héroïne sur son identité et découverte de l'histoire et d'éléments de culture kanak. On suit ainsi un récit captivant, riche de réflexion sur la colonisation et le statut de colonisé, riche de connaissances sur l'île et la culture de ses habitants.

A. Zeniter, de famille algérienne, partage avec les kanak la terrible histoire de la colonisation française dont la cruauté reste toujours la même. Ici la colonisation a commencé par l'implantation du bagne/pénitencier fondateur,  puis sont arrivés des colons repris de justice (de différentes nationalités, on y retrouve même des algériens dont un ancêtre de l'héroïne) ou trompés par de fausses promesses, ont suivi l'exploitation sans pitié des autochtones, la spoliation de leurs terres sans état d'âme et la relégation à un statut définitivement inférieur qui justifie toute oppression. 

Le roman apporte le souffle de l'histoire terrible des Kanak, une histoire brûlante, à l'actualité encore violente ...

Un coup de cœur pour un récit superbement mené et alimenté où l'histoire se mêle à la poésie.

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Les roses fauves de Carole Martinez

Folio, 366 p., Gallimard 2020

Trop c'est trop ! Ces roses qui prolifèrent partout, envahissent tout, à l'odeur si prégnante qu'elle en devient écœurante et qu'on retrouve presque à chaque chapitre ... elles m'ont lassée. Comme dit la chanson de Prévert de Gainsbourg : Peu à peu je m’indiffère !

Carole Martinez reste Carole Martinez qui sait si bien parler des femmes et de leurs destins si lourds, des femmes espagnoles. Le roman plaira à certain(e)s sûrement, moi je l'ai terminé épuisée pourtant j'avais beaucoup aimé ses romans précédents notamment "le cœur cousu".

Prêté par Hélène.

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Les roses fauves de Carole Martinez | Gallimard

Où vivaient les gens heureux de Joyce Maynard

 Trad. Florence Lévy-Paoloni, 10/18, Ed. P. Rey, 2022

Eleanor, illustratrice à succès, emménage seule dans une ancienne ferme du New Hampshire. Elle rencontre Cam, sculpteur occasionnel, très cool et affectueux avec lequel elle fonde une belle famille. 

Elle se donne à corps perdu dans son rôle de mère, conjurant ainsi l'indifférence de ses propres parents, indifférence dont elle a beaucoup souffert. 

Ils mènent tous les 5 une vie calme et douce jusqu'à l'accident qui va briser cette harmonie ...

Un très beau portrait de femme, dans lequel tant d'entre nous peuvent se retrouver. La vie d'Eleanor ressemble à tant de destins de femmes de nos pays occidentaux. Dévouement à ses enfants, oubli de soi, sentiment de culpabilité, d'abandon, jalousie, recherche du bonheur et d'un compagnon ... tout y est !

Beaucoup de péripéties et au final une vie mouvementée mais qui finit, de façon inattendue, dans la sérénité. Toutes mes copines ont aimé !

Merci à Marie M. qui me l'a conseillé.

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Le Parfum des poires anciennes


Le parfum des poires anciennes de Ewald Arenz

 Trad. Dominique Autrand, Albin Michel, LdeP, 2023

"Tu te retrouves face à vingt mille morts réduits en poussière, devant un mur de crânes d'une beauté singulière, et tu réalises tout à coup que ton prétendu malheur n'a aucune importance. Que rien n'a vraiment d'importance, au fond, puisque tout passe."

Sally et Liss ne pourraient pas être plus différentes l'une de l'autre. La première a 17 ans, est anorexique, en veut au monde entier et a fugué. La seconde la cinquantaine travaille seule dans le silence de la nature et de sa ferme.

Liss découvre une femme qui ne pose pas de questions méfiantes, qui ne juge pas et Liss reste, s'installe et trouve, aux côtés de Sally, l'équilibre qu'elle n'avait jusque là jamais atteint. Mais rien n'est simple dans sa vie et l'équilibre est long à trouver !

Une lecture agréable, conseillée par Paule.

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Le parfum des poires anciennes - Ewald Arenz

dimanche 8 septembre 2024

Roman fleuve de Philibert Humm

Folio, 2022, 294 p.

 Trois gaillards décident de partir à l'aventure, de larguer les amarres et rompre avec la civilisation et le confort ... en remontant la Seine (polluée) en canoë ! Un seul canoë pour trois, avec leurs mini bagages !

Ils sont tous les 3 flemmards, autocentrés, infatués d'eux mêmes, illogiques et adorent le (bon) vin. Dès lors, tout devient compliqué et les rencontres s'enchaînent au gré des péripéties qui viennent pimenter l'aventure. 

La première partie m'a paru parfois un peu longue mais le récit devient poilant quand un des personnages part en live et délire complètement ce qui arrive régulièrement dès le deuxième tiers du livre.

J'ai adoré la séance de pêche au silure in door, un grand moment !

Pour passer un moment amusant. Je mets 3 @ parce qu'il est très difficile de trouver des romans qui font sourire ou rire ! Je pense à Molière qui s'escrimait à écrire des pièces comiques pour faire rire ses contemporains, chapeau !

Prix Interallié 2022

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Roman fleuve


Ru de Kim Thuy

 Très beau témoignage d'une boat people vietnamienne, issue d'une famille très aisée du Sud Vietnam. Largement autobiographique, l'auteure évoque par bribes son arrivée au Québec, l'accueil reçu, son adaptation, les conditions de vie de sa famille au Vietnam et au Québec, ses souvenirs d'enfance et sa vie présente.


Hormis le témoignage parfois poignant, j'ai été interpelée par l'importance des objets dans le récit. Pour Kim Thuy, ils sont investis d une signification qui dépasse leur simple définition, ils renvoient directement à notre vécu, parfois à un évènement particulier ou une personne qui rend leur signification totalement personnelle. En lisant sa façon de percevoir les objets, j'ai réalisé que je fonctionnais aussi ainsi. Pour moi, la blanquette restera toujours et seulement le plat préféré d Annie, les églises romanes celles qu elle préférait, la boule à neige un objet qu elle aimait particulièrement. Ce faisant, ces choses là représentent pour moi ma mère, elles restent un peu elle. Et tout ce que j'ai gardé de chez elle et qu'elle aimait, c'est encore elle. Tout ce qui me reste de celle que j'ai aimée et que j'aime encore tant.
J ai découvert un rôle, une fonction des objets que j avais jusque là complétement (et volontairement ?) ignorée, moi qui ne suis pas collectionneuse, qui ne m'attachait pas aux choses "parce qu'on ne fait que passer". Me voilà changée. Définitivement.
J essaie de le dire aux enfants mais ils sont trop jeunes pour réaliser qu'un jour, peut-être, ils auront besoin, comme moi, de garder un lien avec ceux qu'ils aiment et qui sont partis.

Un coup de coeur que je dois à mon amie Ghislaine, ma conseillère en lecture qui  a quitté ce monde en octobre de cette année 2024 et avec laquelle ce livre, comme d'autres, me relie !

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 Ru - Livre d'occasion de Kim Thuy

samedi 7 septembre 2024

Ne m'oublie pas d'Alix Garin

 Ed. Le Lombard, 2021, 224 p., 24€

La grand-mère de Clémence a la maladie d'Alzheimer et se morfond en maison de retraite. Situation sans solution pour sa fille, la mère de Clémence, que son travail absorbe à temps plein. 

Pourtant, un jour, Clémence décide d'emmener Marie-Louise en voiture jusqu'à sa maison d'enfance, au bord de l'océan ... Un road trip semé d'embûches mais également de moments pleins de douceur et d'affection.

Une très belle BD, tant sur la forme, la douceur du trait et des couleurs que sur le fond. Les situations rendent parfaitement la lente dégénérescence de Marie-Louise, la perte de notion du temps, les obsessions, les troubles du comportement mais aussi les brusques moments de lucidité pleins d'angoisse. Et il y a cette merveilleuse relation grand-mère/petite-fille, toujours empreinte d'une grande affection, les tendres souvenirs d'enfance de Clémence en toile de fond.

Les dernières pages sont bouleversantes et l'émotion submerge le lecteur. Une lecture inoubliable mais à réserver à un moment où la tristesse ne nous fait pas peur car elle est bien là, tout au long de cette magnifique BD.

A lire absolument, un bijou ! 

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 Ne m'oublie pas - Garin Alix, Garin Alix - Livres - Amazon.fr

 


La petite-fille de Bernard Schlink

Trad. Bernard Lortholary, Gallimard, nrf, 2023, 23€

A la mort de son épouse Birgit, Kaspar découvre un pan de sa vie qu'il avait toujours ignoré : avant de fuir de RDA pour passer à l'Ouest en 1965, Birgit avait abandonné un bébé à la naissance.

Intrigué, Kaspar laisse momentanément sa librairie et part à la recherche de cette belle-fille inconnue. Son enquête le mène à Svenja qui, restée en Allemagne de l'Est, a épousé un néo-nazi et élevé dans cette doctrine sa fille Sigrun.

Kaspar prend contact avec cette famille et souhaite s'occuper de Sigrun pour la détourner des idées racistes et complotistes de ses parents ... 

Pas de coup de coeur pour ce roman où j'ai peiné à m'identifier et à Birgit et au pauvre Kaspar. Pour moi, il se dégage une certaine froideur de ce récit sans que je sache bien en identifier les raisons, peut être ai-je eu tout simplement le sentiment d'une immense solitude de chacun des personnages.

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La petite fille » de Bernhard Schlink par Anne de la Librairie Lajarrige à  la Baule - ALIP

L'arbre aux haricots de Barbara Kingsolver

Trad. Martine Aubert (coll. A.M Augistyniak), Rivages, 1997 (éd originale USA 1988)

Un classique de la littérature américaine contemporaine. 

Ce livre est une sorte de road trip féminin, depuis le Kentucky jusqu'à Tucson, en Arizona. Taylor Greer, 18 ans, décide de quitter la maison de sa mère avec qui elle a une relation fusionnelle et/mais excellente. N'ayant pas froid aux yeux et après avoir exercé des petits boulots, elle refuse de finir sa vie dans ce qu'elle considère comme un trou perdu. A bord d'une vieille voiture achetée avec ses maigres économies, elle décide de parcourir le pays en passant accessoirement dans le territoire de ses ancêtres indiens. Les rencontres qu'elle va faire sont bien différentes de ce à quoi elle s'attendait... la première étant cette indienne désespérée qui lui confie un bébé sans lui donner aucune explication puisqu'elle le lui laisse dans sa voiture alors qu'elle est allée acheter à manger dans un bar.

Cette rencontre bouleverse sa vie ...
Tous les personnages sont attachants et on découvre la vie de gens pauvres, de migrants et de bien d'autres encore mais sans aucun misérabilisme, l'espoir est toujours là, la débrouille et l'indignation contre l'injustice aussi, le racisme, le machisme et l'exploitation. 

Une très belle lecture au style simple et émouvant, coup de cœur !

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 L'arbre Aux Haricots

Vivre vite de Brigitte Giraud

Ed. Flammarion, 2022, 205 p., 20€

L'auteure revient sur le décès brutal de son compagnon dans un accident de moto, les circonstances et l'après.

 J ai trouvé dans ce roman tout ce que j ai moi même fait après le décès d'Annie, ma mère, afin de garder la tête hors de l eau, pour cohabiter avec mon énorme chagrin.

D'abord les si :
- si je n avais pas insisté auprès du Dr Petit pour éviter qu Annie soit renvoyée chez elle avec des soins palliatifs
- si j avais pris rdv pour l'IRM que la radiologue avait prescrit au mois d août, sans demander à Annie ce qu'elle en pensait et si elle voulait le passer
- si je n avais pas laissé le silencieux sur mon portable la nuit suivant sa 2e intervention, au petit matin l'hôpital m'a appelée et je n'ai pas entendu l'appel. Je suis arrivée trop tard ...
Etc.
- Puis chercher partout des signes, des choses qui me reliaient à elle.
- Donner du sens à des coïncidences, le résultat de hasards et les interpréter comme des signes qu'elle m' envoyait
- Garder des objets qu elle aimait. J'ai dans mon salon, sa boule turquoise, son coquillage nacré, son miroir de sorcière, ses bouteilles marseillaises à coktails, le petit hippopotame que je lui avais rapporté de Paris, sa table basse, son plateau marocain ... tous ces objets me la rappellent.
- J ai eu autant de chagrin que l auteure à la vente du Trayas, la maison qu Annie aimait tant et qui recelait tant de souvenirs d'elle, cette maison qui me reliait encore à elle par les rappels du temps que nous y avions passé ensemble. "J'aurais aimé revoir ma maison" m'a-t-elle dit pendant ses derniers jours à l'hôpital.
- J ai ressenti cette infinie détresse qu'a fait naître le sentiment d'avoir perdu à tout jamais un amour unique. Ma promesse de l'aube.
- Et, pour finir, j ai constaté que l'oubli finissait par gagner du terrain, inexorablement, contre ma volonté. Pour me permettre de penser aux vivants j'ai dû mettre mon chagrin au second plan et oublier un peu ma mère bien aimée ...
Pour tout cela, j ai beaucoup aimé ce récit qui m'a bouleversée et m'a tenue dans l'émotion plusieurs jours après avoir achevé sa lecture.

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 Vivre vite

Misericordia de Lidia Jorge

 Trad Elisabeth Monteiro Rodrigues, Ed Métailié, 2023, 412 p., 22€50

Un récit magnifique ! L. Jorge part des enregistrements audio réalisés par sa propre mère, entre le 18 avril 2019 et le 19 avril 2020, alors qu'elle passait la dernière année de sa vie en EHPAD. Elle nous laisse découvrir une personnalité hors du commun, cultivée mais aussi exigeante, pleine de dignité et à la force d'âme exceptionnelle. 

Bien que diminuée physiquement, bien que dépendante pour tout, Alberti comme elle se fait appeler (ou Dona Alberti) enregistre régulièrement son journal intime, continue à s'intéresser à ceux qui l'entourent, cultive sa mémoire, se bat pour ce qu'elle croit juste, apprécie les petits plaisirs de la vie en gardant son humour : un concert de piano, un chant choral, un bon petit repas, la visite de sa fille, les histoires d'amour entre résidents ... Parfois elle doit se battre contre elle même et ses baisses de moral, contre son caractère indomptable et têtu. Ce faisant, elle porte toujours un regard bienveillant sur celles et ceux qui l'entourent, personnel de "l'hôtel Paradis" (ehpad situé au Portugal), résidents, visiteurs et les réconforte quand elle le peut.

Un livre qui m'a aidé à mieux comprendre ma belle-mère, actuellement en EHPAD, grâce aux mille détails donnés sur la perception du quotidien par Alberti. Et j'ai compris qu'il faut bien lui expliquer où l'on va et ce que l'on fait avant de bouger le fauteuil roulant, ne pas lui parler comme à une demeurée car si elle ne peut plus exprimer sa pensée, elle comprend encore (si elle entend suffisamment) et peut encore avoir son avis sur les choses.

Un livre très écrit, au style imagé et où l'humour pointe souvent malgré un sujet difficile. J'ai découvert un grand auteur !

Coup de cœur !

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vendredi 26 janvier 2024

Nickel Boys de Colson Whitehead

 

trad. Charles Recoursé, Albin Michel, coll. Terres d'Amérique, 2019

Dans la Floride ségrégationniste des années 1960, le très jeune Elwood Curtis croit au message de paix et de progrès de Martin Luther King. Prêt à intégrer l’université pour y faire de brillantes études, ses rêves d’avenir s'évanouissent lorsque, à la suite d’une erreur judiciaire, on l’envoie à la Nickel Academy, une maison de correction qui s’engage à faire des délinquants des « hommes honnêtes et honorables». Sauf qu’il s’agit, en réalité, d’un endroit cauchemardesque, où les pensionnaires sont soumis aux pires sévices. Elwood trouve un allié précieux en la personne de Turner, un autre jeune, avec qui il se lie d’amitié. Mais l’idéalisme de l’un et le scepticisme de l’autre auront des conséquences déchirantes. 

Colson Whitehead s’inspirant de faits réels, explore l’inguérissable blessure raciale de l’Amérique au fil de ses œuvres, riches et poignantes.

Prix Pulitzer 2020, il avait déjà été distingué par ce prix prestigieux pour son beau roman "The underground railway" en 2017. 

« Le roman de Colson Whitehead est une lecture nécessaire. Il détaille la façon dont les lois raciales ont anéanti des existences et montre que leurs effets se font sentir encore aujourd’hui. » Barack Obama

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The Nickel Boys - The Shop at Matter