Une découverte ! A l'occasion d'Automne en librairie, j'ai rencontré V. Goby, invitée à la librairie Imbernon, au Corbusier, pour une table ronde.
Je n'avais rien lu d'elle qui a pourtant déjà écrit 9 romans et récits adultes et encore bien plus en jeunesse.
Rencontre intéressante où l'auteure s'est livrée, simplement, sans affectation. Une femme de conviction, chacun de ses romans traite un thème qui lui tient à cœur.
La Kinderzimmer est la pouponnière qui a existé brièvement au sein du camp de concentration de Ravensbrück. Au début, les nazis avortaient les femmes et tuaient les nouveaux nés. Puis, on ne sait exactement pourquoi, cette pouponnière fut créée. Elle exista de mi 44 à la libération du camp. Les bébés ne dépassaient pas 3 mois, ils mouraient de faim car les mères n'avaient pas de lait, ils mouraient aussi de froid et du manque d'hygiène.
Mila, personnage imaginaire, arrive en 44 à Ravensbrück, une déportée NN, arrêtée pour résistance, enceinte. Mais une femme l'avertit : il ne faut jamais aller au revier (hopital du camp) car on y meurt, il n'y a pas de médicaments, on y attrape toutes les maladies qui trainent et les nazis vous achèvent facilement. Il ne faut pas se déclarer enceinte car, si momentanément cela donne droit à une gamelle de soupe claire supplémentaire, on attire l'attention et la moindre faiblesse est synonyme de mort.
Mila ne dit rien, à personne.
La description de l'arrivée au camp, de la vie quotidienne, des souffrances corporelles, la faim, les blessures, le froid, l'appel matinal, les humiliations, la peur est scrupuleuse. Tout passe par le corps, le corps est ce que nous avons en commun, on souffre des mêmes maux, on ressent les mêmes choses, c'est ce que tous les êtres humains ont en commun. Puis vient l'âme ... seulement après.
Valentine Goby a mené des recherches très poussées pendant plusieurs années, elle a recueilli les témoignages de Marie-José Chombard de Lauwe qui avait été affectée à la Kinderzimmer et d'autres déportées de Ravensbrück. Des combattantes, des résistantes dans l'âme comme elle les décrit. Mais elle a choisi de montrer des femmes non des héroïnes, des femmes avec leurs faiblesses, leur découragement, leur recherche d'une raison de vivre dans un lieu où tout était fait pour les supprimer.
On est loin de Germaine Tillion, de Geneviève De Gaulle ... mais les petits gestes de solidarité et le soutien moral entre femmes sont là ; dans le dénuement total, le récit est illuminé par la capacité à rêver, à se rappeler des belles choses du passé, des gens aimés et des recettes de cuisine ...
Et le résultat est formidable, réaliste, poignant. Porté par un style simple mais inspiré, partant du ressenti, entièrement au présent, le roman aide à comprendre comment ont vécu toutes ces femmes.
La récompense pour l'auteure ? Hormis le succès du roman, ce fut la réaction de Marie-José Chombard de Lauwe à qui elle a donné le manuscrit dès qu'elle l'a achevé. Avec angoisse elle attendait son avis : la résistante a lu le texte 3 fois, un crayon à la main et n'a finalement fait qu'une annotation ... pour préciser une date !
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