Nickel Boys de Colson Whitehead

 

trad. Charles Recoursé, Albin Michel, coll. Terres d'Amérique, 2019

Dans la Floride ségrégationniste des années 1960, le très jeune Elwood Curtis croit au message de paix et de progrès de Martin Luther King. Prêt à intégrer l’université pour y faire de brillantes études, ses rêves d’avenir s'évanouissent lorsque, à la suite d’une erreur judiciaire, on l’envoie à la Nickel Academy, une maison de correction qui s’engage à faire des délinquants des « hommes honnêtes et honorables». Sauf qu’il s’agit, en réalité, d’un endroit cauchemardesque, où les pensionnaires sont soumis aux pires sévices. Elwood trouve un allié précieux en la personne de Turner, un autre jeune, avec qui il se lie d’amitié. Mais l’idéalisme de l’un et le scepticisme de l’autre auront des conséquences déchirantes. 

Colson Whitehead s’inspirant de faits réels, explore l’inguérissable blessure raciale de l’Amérique au fil de ses œuvres, riches et poignantes.

Prix Pulitzer 2020, il avait déjà été distingué par ce prix prestigieux pour son beau roman "The underground railway" en 2017. 

« Le roman de Colson Whitehead est une lecture nécessaire. Il détaille la façon dont les lois raciales ont anéanti des existences et montre que leurs effets se font sentir encore aujourd’hui. » Barack Obama

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Les mangeurs de nuit de Marie Charrel

  Éd. de L’Observatoire, 304 p., 21 €

Magnifique roman, entre poésie, légendes japonaises et amérindiennes et passé méconnu du Canada : les tragédies et les violences qu’infligèrent là-bas la population et la police aux immigrés nippons et leurs descendants, avant et pendant la Seconde Guerre mondiale.

Le lecteur se laisse guider par la rencontre improbable en pleine Colombie Britannique de Jack et Hannah, une jeune Japonaise agressée et défigurée par le terrible et légendaire ours blanc qui sévit sur les territoires enneigés. Venue au Canada pour travailler avec ses parents, elle a fui le camp où était parquée sa communauté dans des conditions indignes, victime d'un racisme cruel et aveugle. Dans une nature déjà touchée par le changement climatique, Jack, un misanthrope autochtone, veille sur les saumons des rivières.

On ne peut s'empêcher de mettre en parallèle le roman et ce que nous vivons actuellement, la montée du racisme et des partis d'extrême droite, le dérèglement climatique que le système capitaliste a généré et se trouve dans l'incapacité de gérer maintenant ... 

Regardant exceptionnellement la Grande Librairie un soir, j'étais tombée sur une super émission où Trappenard avait invité Marie Charrel et Erri De Luca, soirée magique ! J'ai tout de suite eu envie de lire "Les mangeurs de nuit" tant le discours me parlait et "Impossible" du magnifique auteur italien.

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Triste tigre de Neige Sinno

 P.O.L, 2023, 283 p., 20€

Je ne sais comment parler de ce livre qui raconte l'inceste dont a été victime Neige Sinno enfant et adolescente, qui l'analyse de son point de vue de victime, mot qu'elle revendique.

Je suis dépassée par la profondeur de sa description, par la complexité de ses sentiments et il me semble que les mots que j’utiliserais ne pourraient que passer à côté d'une horreur par laquelle ma propre famille a été touchée.

C'est un livre dur et bouleversant, une lecture éprouvante mais généreuse, un partage qui a dû être très douloureux pour NS mais indispensable pour nous tous, victimes ou non de l'horreur de l'inceste.

Il faut lire Triste Tigre et ne jamais oublier le mal qui est fait aux enfants victimes, être attentifs à ceux de notre entourage et parler (mieux vaut parler et se tromper que passer à côté) si on a un doute.

Je pense très fort à M., que j'aime tant, victime d''abus sexuel de 5 à 11 ans, ce que je n'ai pas su voir. Je pense souvent à ceux que je n'ai pas su voir dans mon métier d'instit, 3 petites victimes sur chaque 30 enfants, à une époque où on ne parlait que très peu de cela et où personne ne nous y sensibilisait.

 Merci à la CIVISE, à son président plein de tact et si efficace, aux témoignages des victimes qui ont osé parler, aux auteurs qui ont abordé ce sujet, à NS qui nous éclaire dans les ténèbres de l'inceste ...

Prix Fémina 2023 et Goncourt des lycéens 2023, des prix largement mérités.

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Impossible d'Erri de Luca

 trad. de l'italien Danièle Valin, Gallimard, RNF, 2020, 171 p.

Très beau roman, construit sur deux modes : un dialogue presque platonicien entre le héros et son jeune juge et des lettres que le héros envoie à sa compagne.

Lors d'une randonnée en haute montagne, le héros dont nous ne connaîtrons pas le nom (il est désigné par R), appelle les secours après avoir aperçu un corps dans un ravin. Ce mort n'est pas un inconnu, il l'a côtoyé dans sa jeunesse lorsqu'il militait dans un groupe révolutionnaire d'extrême gauche. Cet homme a par la suite trahi ses anciens amis qui ont été emprisonnés, y compris le héros, pour préserver sa liberté.

Véritable accident ou vengeance ? Le juge (désigné par Q), persuadé de la culpabilité de R, essaie par tous les moyens de faire avouer cet homme à l'intelligence acérée, qui aime les mots avec rigueur, refuse l’ordre établi et, assumant seul sa défense, écarte un avocat commis d'office (A).

Au fil des interrogatoires, la relation devient complexe et les deux hommes découvrent l'univers de l'autre. Engagement, intérêt collectif, responsabilité individuelle face à la société, loyauté et fidélité à ses idées, justice, liberté, amour de la montagne et de la nature vont être abordés et discutés, à la manière d'un échange entre disciple (Q) et maître (R). 

Un roman magnifique, qui donne en partage une philosophie appliquée à la vie et compréhensible par tout un chacun, dans un style fluide et rigoureux à la fois. LE roman de la maturité très certainement pour l'auteur.

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