Folio, 494 p., 7,50€
Romain Gary a obtenu son premier prix Goncourt pour ce roman écologiste avant l'heure (le deuxième, il l'a eu pour "la vie devant soi" sous le pseudonyme d'Emile Ajar ; il est le seul écrivain a avoir eu deux fois ce prix prestigieux ... grâce à ce changement de nom qui ressemble fort à un bon tour !).
Quel magnifique roman ! Très dense, il demande un vrai effort de concentration. Le récit en forme de flash-back donne la parole à des personnages variés, hauts en couleur et il faut suivre ! Mais on est totalement récompensé ...
Le héros, Morel, défend la cause des éléphants menacés d'extinction dans cette région qu'on appelait "l'Afrique Equatoriale Française" en 1953 et plus précisément au Tchad. Il fait signer une pétition pour obtenir leur protection mais devant son insuccès, passe à l'action illégale. Pour la petite histoire, les éléphants sont toujours menacés aujourd'hui, toujours à cause du trafic d'ivoire et de pattes ...
Pour Morel, protéger la nature c'est protéger les hommes puisqu'ils ont besoin d'elle, c'est aussi se battre pour "les racines du ciel", ces valeurs fondamentales qui font de nous de vrais êtres humains : la liberté, la solidarité, le respect de l'autre ... et ce n'est pas par hasard que Morel est un ancien résistant (lire le très beau passage de la page 205 à 211 !).
Si le nombre des personnages rend la lecture parfois difficile, il lui donne sa vraie profondeur car on connait la vie de chacun ; on trouve au fil du récit ceux qui soutiennent le combat de Morel comme Minna l'entraîneuse allemande, le major américain Forsythe, le naturaliste danois Peer Qvist, Idriss le pisteur noir ; on rencontre Waïtari qui essaie de récupérer le combat de Morel au profit du sien : l'indépendance de l'Afrique, les prêtres qui peu à peu se rapprochent de lui comme Saint-Denis, Tassin et Fargue, les aventuriers qui croisent son chemin par intérêt comme Habib et son ami De Vries, le photographe Abe Fields qui finira par l'aider à sa façon. On trouve aussi des administrateurs, des militaires qui fermeront les yeux et l'aideront car Gary fait de Morel un personnage fascinant par sa conviction, sa lucidité, son honnêteté et sa force de caractère. Morel est l'archétype du résistant à la grande âme, courageux et réaliste.
Tout Gary est là : ne jamais baisser les bras mais savoir que l'homme est son pire ennemi comme il le fait dire au major Forsythe : "Ce qui me pousse à me saouler, c'est la compagnie de mes semblables. Je peux en supporter un, le matin, deux au maximum dans la journée, mais vers quatre ou cinq heures de l'après-midi, je ne peux plus du tout en supporter et je bois."
Les racines du ciel fait partie de ces lectures indispensables qui nous engagent à nous indigner et à nous battre encore et encore. Merci Romain Gary !
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Bon, celui là il faudra que je le lise, mais je sais qu'il fait parti des plus "difficiles", je le garde pour la fin !
RépondreSupprimerDécidemment, les "coups de coeur" Gary-Ajar sont contagieux et c'est une bonne chose cette réhabilitation...posthume, certes, mais le talent se doit d'être reconnu tant il éclate à chacun de ses livres. Je suis dans La promesse de l'aube et 4 m'attendent, je garde celui-ci pour plus tard... Mais le billet est alléchant ! Asphodèle.
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