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vendredi 12 juin 2015

Soumission de Michel Houellebecq

Flammarion, 2015, 299 p., 21€
Houellebecq, il y a les pour et il y a les contre.

Quand je lis ses romans, je fais abstraction du personnage, volontiers provocateur. Volontairement. Je lis ses romans. Point. Et j'y prends beaucoup de plaisir.
Aurais je lu Céline si je m'en étais tenu à ce qui était dit du personnage ? Aurais je regardé les œuvres de Dali, le franquiste ? Habiterais je l'immeuble de Le Corbusier qui est maintenant reconnu comme antisémite et fasciste ?  Les écrivains sont ils toujours à la hauteur de leurs responsabilités ? Ne sont ils pas, souvent, dépassés par leurs propres textes ?
Houellebecq a retardé la campagne de promotion de son livre après les évènements du 7 janvier. Bernard Maris était son ami ...
Le point de départ de son roman, l'élection en France d'un président de la république musulman modéré, n'est certes pas crédible actuellement mais  part d'un constat réel : l'opinion publique se replie sur les valeurs familiales, sur les valeurs "traditionnelles" pour ne pas dire réactionnaires.
Une partie des Français a manifesté massivement contre le mariage pour tous.
L'adoption par les couples homosexuels a été reportée.
Beaucoup recherchent un sens à leur vie ailleurs que dans l'argent et la consommation matérielle.
De là à assister à un retour du phénomène religieux, il n'y a qu'un pas ... que l'auteur franchit allègrement.
De même, la montée du Front National alimente sa fiction : pour éviter que Marine Le Pen n'accède à la présidence, la coalition PS/UMP/extrême gauche appelle à voter pour le candidat Mohamed Ben Abbès, musulman modéré. Totalement improbable !
Mais ce Mohamed là est plus un ambitieux qu'un croyant. Après la France, c'est l'Europe qu'il vise et souhaite rassembler autour de l'Islam.
Ben Abbès met en place son programme dans l'indifférence générale : autorisation de la polygamie, voile obligatoire pour les femmes, interdiction d'enseigner si l'on n'est pas musulman, priorité aux entreprises familiales et j'en passe.
Les femmes : elles acceptent sans réagir, éternelles victimes ?
La gauche : elle laisse faire impuissante.
La droite : elle partage beaucoup de ses objectifs.
Les hommes : ils y trouvent leur compte forcément car la polygamie est un argument de poids ; du coup, ils se convertissent sans barguigner.
Houellebecq ne juge pas ses personnages, il en fait parfois des caricatures mais leur prête en général, une logique assez simple. Tout ce qui se passe profite aux hommes qui s'en emparent. Terrible logique mais oh combien humaine et masculine mâtinée d'une vision de l'homme  fondamentalement noire.
La fiction de Houellebecq peut alimenter les peurs mais, dans le fond, elle est surtout un constat du manque de perspective de notre société, de la souffrance des hommes qui y cherchent un sens. Elle nous alerte et nous avertit, à sa façon et nous met en garde contre l'indifférence et le laisser faire.
Et puis, il y a son humour, fin, frisant le cynisme, son écriture souple.
J'ai beaucoup aimé même si (ou peut être "parce que") totalement fantaisiste ... j'espère.
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