Bienvenue à tous ceux qui aiment lire ...

Lire, pour moi, c'est échapper au quotidien tout en restant proche des hommes et de leurs réalités ...

vendredi 12 juin 2015

Charlotte de David Foenkinos

Gallimard, 2014, 220 p., 18,50€
David Foenkinos écrit la biographie (quelque peu romancée mais qu'en sait on ?) de Charlotte Salomon, jeune peintre juive allemande réfugiée en France puis déportée à Drancy et assassinée à Auschwitz en 1943 par les nazis.
Récit émouvant d'une vie (et demie, car elle était enceinte de 5 mois lorsqu'elle fut gazée à son arrivée au camp) entièrement vouée à la création artistique dans ses derniers temps. En effet, se sachant en danger, Charlotte Salomon écrit et peint jour et nuit, dans le sud de la  France, avec passion et dans l'urgence. Elle crée une œuvre très originale mêlant texte de théâtre et peinture : "Vie ? Ou théâtre ?".
Relations familiales complexes, amours, doutes, recherche de soi même, de sa vocation, fuites et rencontres font de cet ouvrage un récit complet qui permet de découvrir une artiste bien peu connue.
Ses œuvres, confiées à son médecin et ami, rendues à son père et à sa belle-mère après la guerre et données au Musée historique juif, le musée d'histoire juive d'Amsterdam, y sont toujours conservées.
Un beau roman écrit simplement, sans pathos, qui redonne vie le temps de 220 pages à une artiste et donne envie de connaitre son œuvre. Un travail de mémoire.
Prix Renaudot et Goncourt des lycéens 2014.
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Soumission de Michel Houellebecq

Flammarion, 2015, 299 p., 21€
Houellebecq, il y a les pour et il y a les contre.

Quand je lis ses romans, je fais abstraction du personnage, volontiers provocateur. Volontairement. Je lis ses romans. Point. Et j'y prends beaucoup de plaisir.
Aurais je lu Céline si je m'en étais tenu à ce qui était dit du personnage ? Aurais je regardé les œuvres de Dali, le franquiste ? Habiterais je l'immeuble de Le Corbusier qui est maintenant reconnu comme antisémite et fasciste ?  Les écrivains sont ils toujours à la hauteur de leurs responsabilités ? Ne sont ils pas, souvent, dépassés par leurs propres textes ?
Houellebecq a retardé la campagne de promotion de son livre après les évènements du 7 janvier. Bernard Maris était son ami ...
Le point de départ de son roman, l'élection en France d'un président de la république musulman modéré, n'est certes pas crédible actuellement mais  part d'un constat réel : l'opinion publique se replie sur les valeurs familiales, sur les valeurs "traditionnelles" pour ne pas dire réactionnaires.
Une partie des Français a manifesté massivement contre le mariage pour tous.
L'adoption par les couples homosexuels a été reportée.
Beaucoup recherchent un sens à leur vie ailleurs que dans l'argent et la consommation matérielle.
De là à assister à un retour du phénomène religieux, il n'y a qu'un pas ... que l'auteur franchit allègrement.
De même, la montée du Front National alimente sa fiction : pour éviter que Marine Le Pen n'accède à la présidence, la coalition PS/UMP/extrême gauche appelle à voter pour le candidat Mohamed Ben Abbès, musulman modéré. Totalement improbable !
Mais ce Mohamed là est plus un ambitieux qu'un croyant. Après la France, c'est l'Europe qu'il vise et souhaite rassembler autour de l'Islam.
Ben Abbès met en place son programme dans l'indifférence générale : autorisation de la polygamie, voile obligatoire pour les femmes, interdiction d'enseigner si l'on n'est pas musulman, priorité aux entreprises familiales et j'en passe.
Les femmes : elles acceptent sans réagir, éternelles victimes ?
La gauche : elle laisse faire impuissante.
La droite : elle partage beaucoup de ses objectifs.
Les hommes : ils y trouvent leur compte forcément car la polygamie est un argument de poids ; du coup, ils se convertissent sans barguigner.
Houellebecq ne juge pas ses personnages, il en fait parfois des caricatures mais leur prête en général, une logique assez simple. Tout ce qui se passe profite aux hommes qui s'en emparent. Terrible logique mais oh combien humaine et masculine mâtinée d'une vision de l'homme  fondamentalement noire.
La fiction de Houellebecq peut alimenter les peurs mais, dans le fond, elle est surtout un constat du manque de perspective de notre société, de la souffrance des hommes qui y cherchent un sens. Elle nous alerte et nous avertit, à sa façon et nous met en garde contre l'indifférence et le laisser faire.
Et puis, il y a son humour, fin, frisant le cynisme, son écriture souple.
J'ai beaucoup aimé même si (ou peut être "parce que") totalement fantaisiste ... j'espère.
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Check-point de Jean-Christophe Rufin

Gallimard, 2015, 386 p., 21€
Thriller humanitaire ...
Maud part en mission humanitaire avec Lionel, chef d'expédition, Marc et Alex, 2 militaires mystérieux et Vauthier, antipathique à tous mais fort en mécanique. Leurs deux vieux camions transportent aide alimentaire et vestimentaire. Nous sommes en Bosnie, au moment de la guerre entre serbes, croates et musulmans.

Elle qui fuit le train train d'une vie morne et veut échapper au désir des hommes se trouve brutalement entraînée dans un déchaînement de passions avec lesquelles l'aide humanitaire n'a plus grand chose à voir.
JCR pose le problème des limites de l'aide humanitaire : que faire lorsqu'on voit femmes et enfants se faire massacrer, suffit-il de leur apporter de quoi manger et s'habiller ? Ne doit on pas aussi leur donner de l'espoir et combattre les injustices ? Ne doit on pas s'engager et prendre parti ? Peut on se contenter d'assister aux horreurs de la guerre ?
Le roman prend la forme d'un thriller et nous tient en haleine pendant 386 pages, sans baisse de régime, tout en nous incitant à la réflexion. Quoi de mieux quand, en plus, le style est là ?
Je n'avais rien lu de JC Rufin et Check-point a été pour moi une belle découverte ... A moi Rouge Brésil et ses autres romans !
Merci à Eric B. pour ses conseils éclairés.
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Les singuliers d'Anne Percin

Ed. du Rouergue, coll. La Brune, 2014, 392 p., 22€
Une plongée sympathique dans le monde de la peinture, pendant les années de l’École de Pont-Aven.
Sous la forme d'un roman épistolaire, Anne Percin nous entraîne en 1888, pour un instantané artistique et culturel. Elle appuie sur le déclencheur, les visions s'enchaînent ...
Hugo Boch, de la riche famille belge Boch (ceux de "Villeroy et Boch" !), parti à Pont Aven dans la mouvance des artistes, s'interroge sur sa vocation de peintre. Il fait part de ses doutes à son ami Tobias et à sa cousine Hazel, eux mêmes peintres, qui lui répondent et pratique, en parallèle, une activité photographique innovante.
Au fil de ces échanges, on découvre les fortes personnalités de Gaugain, Sérisier, Bernard, Toulouse-Lautrec et l'influence sur tout ce monde de Van Gogh.
C'est aussi l'univers culturel de l'époque que l'auteure évoque : la construction de la tour Eiffel, les scandales aux salons officiels, l'opposition entre classicisme, impressionnisme et autres styles, l'émergence de la photographie comme expression artistique etc.
On réalise alors l'importance de Paris dans la vie culturelle internationale, son rayonnement à cette époque.
Passionnant et très documenté sans être, à aucun moment, ennuyeux. Style enlevé et même humour ...
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